Quelques minutes extraordinaires ce matin sur France Inter. Focus sur la crise et, surtout, les réponses économiques apportées par les puissances publiques. Face à la crise, quel rôle pour l'Etat ? Invités : Didier Migaud, député PS de l'Isère et président de la Commission des Finances de l'Assemblée nationale, et Philippe Marini, sénateur UMP du Val d'Oise et rapporteur général de la Commission des finances du Sénat.
L'un et l'autre sont des parlementaires reconnus, dont la compétence quant aux finances publiques est unanimement saluée.
Suivre de près les débats au Sénat m'a donné l'occasion de voir Philippe Marini dans ses oeuvres : coriace, l'homme ne lâche guère sa prise, qu'il conteste telle critique de l'opposition ou pointe les dérives budgétaires du gouvernement. Pour le reste, l'homme est sans surprise un libéral de haut vol, revendiqué comme tel, il se flatte évidemment d'être
prag-ma-tique.
Question d'ouverture de Nicolas Demorand à ses invités : y a-t-il encore une gauche et une droite en économie ? Réponse de Marini : oui, évidemment, et d'ailleurs la gauche est truffée d'idéologues. Réponse de Migaud plus embrouillée. La suite est du même genre : Marini a l'arrogance du libéral qui, face à la faillite de son modèle, explique que l'on ne l'avait pas bien compris, et que le modèle n'est pas en cause. Encore une fois, les libéraux raisonnent comme les staliniens, expliquant au peuple effrayé par la catastrophe qu'ils ont produit qu'il ne s'agit que d'un accident.
Et pourtant : partout dans le monde, la droite tourne casaque. Guetta y revient ce matin dans Libé : "Prenons Angela Merkel. Elle qui était si libérale qu'elle avait manqué la majorité absolue en le disant trop fort il y a quatre ans, la voilà qui fait voter une loi autorisant l'Allemagne, pays unifié par la débandade soviétique, à procéder à des nationalisations bancaires". Sarkozy ? Il dit blanc après avoir dit noir. Marini, ce matin ? Explique que le libéralisme doit être encadré, puisque ce n'est pas la loi de la jungle. Tous disent le contraire de ce qu'ils disaient il y a encore six mois, et des politiques qu'ils ont mis en oeuvre ces vingt dernières années.
Face à cela, la gauche devrait tout de même trouver des motifs de réconfort. Et, on le souhaiterait, de pugnacité. Même pas, pour Migaud ce matin. Aux délirantes accusations de Marini, selon lequel "dans tous les pays du monde sauf en France", la gauche est raisonnable, alors qu'en France, les socialistes sont dans la "posture", à ce verbiage inconséquent, Migaud ne sait pas quoi répondre. Il ne dit pas que, dans bien des pays du monde, la violence des clivages politiques est bien supérieure à ce qu'elle est en France : qu'on en parle à Lula ou Michelle Bachelet, qui affrontent des droites aussi réactionnaires qu'il y a cinquante ans ; à Obama, même, accusé par les conservateurs américains de dérive socialiste. En Europe, qu'on se rappelle les héritiers de Tatcher hurlant contre les embauches massives dans la fonction publique décidées par Tony Blair, pourtant bien peu révolutionnaire et jugé si raisonnable par la droite française. Qu'on regarde Berlusconi, et la vigueur du conflit qui l'oppose au centre-gauche... Migaud ne l'a pas dit, et a par là laissé croire aux auditeurs d'Inter que Marini, finalement, n'avait pas tort.
Pire : Migaud laisse dire, lorsque Marini explique benoîtement que, réunis en commission, à l'abri des caméras, gauche et droite s'entendent très bien sur les politiques à mettre en oeuvre. Que ce n'est que pour de vulgaires effets de manche, et pour s'aligner sur l'extrême-gauche, que la gauche s'agite et s'emporte. Là non plus, Migaud, comme vaincu par KO, ne parait savoir que dire.
Catastrophique. Ces quelques minutes en disaient long sur l'état de la gauche, et sur la dimension des problèmes qu'elle aura à affronter pour retrouver la crédibilité et la confiance des électeurs. Se déprendre, d'abord, de cette inclination à penser que la modernité, c'est de renoncer à ses ambitions. Retrouver, ensuite, le sens de ce qui est fondamental : les choix budgétaires traduisent des choix politiques, et c'est encore plus vrai en temps de crise, lorsque les ressources sont limitées. Dépenser dix à quinze milliards d'euros par an dans un paquet fiscal qui n'a aucun impact sur l'activité économique, c'est un choix politique. Et c'est la faute originelle de ce gouvernement, qui prive l'Etat de moyens d'action. Rappeler, enfin, que dire n'est pas faire et que, pour l'heure, les intentions affichées, quant à la lutte contre les paradis fiscaux par exemple, n'ont été en France suivies d'aucune décision.
La crise ouvre la voie au retour des aspirations régulatrices. Aux Etats-Unis, là où est née la vague libérale qui a dominé le monde ces trente dernières années, l'élection de Barack Obama et les choix politiques qu'il a depuis annoncés mettent un point final à la révolution conservatrice initiée par Reagan. C'est l'heure de la gauche. Mais "à l'heure de la gauche, où est la gauche ? Où sont - en France comme ailleurs - ses idées, ses propositions, cette réinvention des politiques industrielles et de l'Etat providence qu'exigerait un krach dont on n'a vu que les prémices ?" (Guetta encore).
Tiens, voilà de belles questions pour un plan de relance de ce blog...
NB - La chronique de Bernard Guetta dans Libé n'est pas encore en ligne. On en trouve une version plus courte et légèrement différente sur
Le Temps.
personnellement je n'arrive pas a comprendre cet homme à cet age et il se prend pour un adolescent! surement il a quelque chose au fond de lui qui ne va pas
Rédigé par : berlosconu | 15 juillet 2009 à 19:59